Les oiseaux sont nerveux
Avant l’aube. « Comme l’étourdi sculpteur Bombarès, qui aurait dû descendre à Champigny, sautait de son train déjà en marche, un rapide l’écrasa » (Fénéon, Nouvelles en trois lignes et autres textes courts). Un rêve. J’aide une femme que je ne connais pas en essayant de vider un tonneau rempli de miel. J’en ai plein les mains. « La route qui monte et qui descend est une seule et la même » (Héraclite dans la traduction de Simone Weil). L’autre jour, à Morges, j’ai soumis ce fragment à Nathan. Omniperspectivisme : l’Un comprend les points de vue. — Aube grise. Les oiseaux sont nerveux. — Gérard s’est acheté une plume Montblanc. Il est triste d’avoir brisé un cendrier en grès auquel il était attaché. Je lui suggère d’enterrer ce qui en reste. — Julien me lit ce qu’il a écrit durant un orage. Je lui raconte cette histoire : un homme écrit, jour après jour, à la plume, un récit inachevable. Jour après jour le papier buvard se tache. Quand l’homme meurt, sa femme brûle le manuscrit et transforme le papier buvard en tableau. « Car la poussière […] est préférable au tapis à fleurs brodées d’or où viennent s’agenouiller les favoris de Mahmoud » (Goethe, « Vie universelle » dans Le Divan).